IL Y A 40 ANS… WOODSTOCK
«
Three days of peace and music » (« Trois jours de paix et de musique
»)… Le slogan aura fait du bruit… Entre le 15 et 18 août 1969, près de
500.000 spectateurs se rendent au festival musical de Woodstock.
Rassemblement emblématique de la contre-culture américaine, des
artistes légendaires s’y produisent : Jimi Hendrix, Janis Joplin Joe
Cocker ou encore Jefferson Airplane et Santana. Quarante ans plus tard,
l’évènement a toujours figure de symbole.
Une période de bouleversementsMarquée
par la Guerre froide, qui voit s’affronter les Etats-Unis et l’URSS, et
la conquête spatiale, 1969 est une année de véritables bouleversements.
Si
le bloc de l’Est est agité par l’affaire Ian Pallach, un étudiant
tchèque de 20 ans qui s’est immolé par le feu à Prague pour protester
contre l'invasion de son pays, et les répressions dans les démocraties
populaires, le côté occidental est quant à lui affaibli militairement
et idéologiquement par une guerre du Vietnam qui s’enlise.
A la fin des années 1960, le mouvement hippie est à son apogée, et San Francisco en devient l’épicentre.
La guerre du Vietnam en ligne de mireLes
gouvernements assistent alors à un engagement de plus en plus massif
des Américains dans une offensive vietnamienne qui apparaît comme
injuste et disproportionnée.
Sur les campus américains et
européens, la contestation monte en flèche. Les étudiants et la gauche
manifestent massivement contre le conflit et les désertions se
multiplient.
Pacifistes, intellectuels ou mouvements noirs se
retrouvent dans de gigantesques manifestations, en faveur de la paix où
sont brûlés drapeaux américains.
Ainsi, dans beaucoup de pays, le
combat du petit Nord-Vietnam contre le géant américain devient un
symbole pour la jeunesse qui entre en révolte.
L’essor des festivals Le
succès des mouvements révolutionnaires étudiants de 1968, aux
Etats-Unis, en Allemagne et en France, symbolise une contre culture,
incarné par la formation de nouveaux mouvements sociaux. Cette liberté
politique s’accompagne alors d’un bouleversement culturel et musical.
C’est
dans cette période contestataire que les populations occidentales
assistent à l’arrivée de nouveaux genres musicaux, et notamment du
rock’n’roll. Cette effervescence musicale se traduit à la fin des
années 1960 notamment par l’essor des festivals.
En effet,
quelques années avant Woodstock, de nombreux festivals comme ceux de
l’Ile de Wight, sont organisés par l’industrie du disque, marquant une
étape décisive dans le bouleversement culturel des sixties.
Dans
la lignée du festival de Newport (1963) et Monterey (1967), le festival
de Woodstock prend donc place dans la plus pure tradition des grands
rassemblements de musique populaire.
Un festival savamment organisé Aux prémices du projet se trouvent John Roberts et Joel Rosenman, deux new-yorkais à la recherche d’un bon investissement.
Ils
publient dans le New York Times une brève annonce: « jeunes hommes avec
un capital illimité cherchent des opportunités d'investissement
intéressantes et des propositions d'affaires », sans ce douter qu’elle
déboucherait sur l’un des festivals majeurs du vingtième siècle.
Artie
Kornfeld, le vice-président de Capital Records, et Michael Lang, un
hippie, qui vient d'organiser le Miami pop festival, tombent alors sur
l'annonce et y voient aussitôt l’occasion d’organiser un autre grand
festival de musique.
Tous les quatre fondent donc « Woodstock
ventures » avec pour objectif l’organisation d’un immense festival de
musique, misant ambitieusement sur 50.000 personnes. Leur modèle est
celui du Monterey Pop et de ses "trois jours de musique" en plein air,
festival qui lança le « Summer of Love » californien durant
l’année1967.
Du New York Times aux champs de BethelReste
à trouver un site. Les organisateurs ont pour premier choix la ville de
Woodstock, où séjourne Bob Dylan. Le site de Woodstock avait d’ailleurs
été choisi par Michael Lang dans l’espoir de faire venir l’artiste,
alors en froid avec la mouvance hippie.
Mais face au refus de la
municipalité, les quatre hommes se rabattent sur un terrain, loué à un
fermier nommé Max Yasgur, sur la commune de Bethel, dans l’état de New
York.
A près de 100 kms de Woodstock, le festival garde pourtant son appellation, jugée plus porteuse.
Des
milliers de jeunes découvrent alors l’annonce suivante, placardés à
travers le pays : « Trois jours de paix et de musique. Des centaines
d'hectares à parcourir. Promène-toi pendant trois jours sans voir un
gratte-ciel ou un feu rouge. Fais voler un cerf-volant. Fais-toi
bronzer. Cuisine toi-même tes repas et respire de l'air pur ».
Un demi million de spectateursDurant
l’été 1969, les festivités sont lancées. Le succès est inattendu avec
entre 450.000 et 500.000 spectateurs entre le 15 et 18 août. Le
festival dure en effet quatre jours et non trois, contrairement à ce
qui est souvent affirmé.
Les organisateurs perdent très vite le
contrôle de la situation. Seulement, une minorité de spectateurs paye
les 18 dollars de droit d’entrée (l’équivalent de treize euros
aujourd’hui), transformant rapidement le festival en un spectacle
gratuit.
Dès le premier jour, Michael Lang lance à la foule: «
From now on, this is a free concert ! » (A partir de maintenant, c’est
un concert gratuit)
… et quelques débordementsLes
piquets qui ferment l'accès au site sont arrachés, rendant la
billetterie obsolète et la pénurie de nourriture est telle qu’au bout
du deuxième jour, Janis Joplin lance aux spectateurs : "s'il vous reste
quelque chose à manger, le gars à votre droite est votre frère, et la
fille à votre gauche est votre sœur, alors partagez en toute
fraternité".
Les accès aux lieux de concert sont saturés et des
kilomètres d’embouteillages se forment. A tel point que les
organisateurs doivent utiliser des hélicoptères pour amener les
artistes de leurs hôtels à la scène de spectacle. Le tout, sous des
trombes d'eau transformant vite le terrain en un immense bourbier.
Le
festival est néanmoins relativement pacifiste avec trois décès, dont
deux overdoses, et deux naissances. Un bilan positif qui fait presque
figure d’exception dans les festivals de l’époque. Notamment en
décembre 1969, où lors du Festival d’Altamont en Californie, un jeune
Noir est poignardé à mort par le Hell’s Angels pendant que les Rolling
Stones jouent…"Sympathy for the Devil".
Joplin, Hendrix, Santana, Sly & the Family Stone sur scèneDans
cette atmosphère survoltée et face à un public euphorique, les plus
grandes stars de la musique se succèdent, de la folk engagée de Joan
Baez au guitariste d’exception Santana, en passant par le rock
psychédélique des Jefferson Airplane et des Sly & the Family Stone.
Tout au long des trois jours du festival, un peu plus d’une
trentaine de tête d’affiche est présente, souvent sous l’effet de
drogues, ce qui expliquent beaucoup de prestations ratées.
Trois
personnes doivent notamment soutenir Janis Joplin pour la faire monter
sur scène et l'approcher du micro. Une prestation tellement mauvaise
que cette dernière refuse par la suite que son apparition, en compagnie
du Kozmic Blues Band, figure au montage final
L’une des images
emblématiques reste celle de Jimi Hendrix et de son interprétation
psychédélique de l’hymne américain, « Star-Splangled banner ».
Le
18 août 1969, à grand coup de vibrato et de saturation, le musicien
évoque les bombes qui tombent sur le Vietnam, devant seulement 30 000
spectateurs. Bien que précédemment joué à Atlanta, sa reprise rentre
définitivement dans l’histoire ce jour là.
La prestation du
jeune Santana est également l’une des plus marquantes du festival.
Notamment grâce à la chanson « Soul sacrifice » et au solo mémorable,
de près de huit minutes, du batteur Michael Shrieve ! Alors âgée de 20
ans, ce dernier est le plus jeune musicien du festival et devient, à la
suite de ce concert, l’une des figures emblématiques de l’évènement.
Le
festival de Woodstock est par ailleurs un véritable tremplin pour
certains chanteurs dont Joe Cocker qui se révèle grâce à sa reprise
théâtrale du « With a Little Help from my Friends » des Beatles,
faisant presque oublier la version originale.
C’est également
à la faveur du festival de Woodstock que Crosby, Still, Nash &
Young se révèlent.Une performance, c’est alors le deuxième concert du
groupe, qui va captiver le demi million de spectateurs présent. Coup de
pouce formidable qui permet à la formation de sortir son premier album,
« Déjà vu » l’année d’après.
Sont constatés quelques absents,
dont les Beatles qui ne tournent alors plus à cette époque. Les Rolling
Stones sont quant à eux écartés du festival ! Le groupe de Mick Jager
est jugé trop violent pour les organisateurs, ne correspondant pas à
l’esprit pacifiste du rassemblement.
Par ailleurs, les Doors déclinèrent l'invitation, Jim Morrison étant convaincu qu'il serait agressé et tué sur scène.
Enfin,
Bob Dylan refuse de participer à l’évènement, notamment due à sa
réticent face au mouvement hippie. Il joue au festival de Wight
quelques jours plus tard, provoquant l’agacement des organisateurs de
Woodstock.
Contrairement au festival de Monterey, les artistes
les plus prestigieux ont perçu pour leur prestation un cachet
substantiel, notamment Jimi Hendrix qui perçoit la modique somme de
32.000 dollars pour sa participation à l’événement !
Woodstock a
ainsi coûté plus de 2,4 millions de dollars à John Roberts. Et malgré
l’afflux de spectateurs, les organisateurs durent, une fois le festival
terminé, revendre les droits à la Warner pour régler leurs dettes. Une
fin étonnante, loin de l’esprit « sixties » scandé tout au long du
festival.
Un véritable mythe Si
Woodstock reste aussi présent dans l’imaginaire collectif, c’est qu’il
résume à lui seul la culture hippie, marquant l’apogée et en même temps
le déclin du « flower power » aux Etats-Unis.
Un symbole donc des
60’s, notamment grâce à la littérature et en particulier à la Beat
generation emmenée par Jack Kerouac ou encore Williams Burroughs, à la
musique et au cinéma qui continue à véhiculer cet imaginaire «
woodstockien ».
Le festival donne ainsi lieu, dès 1970, à un
film documentaire, "Woodstock", réalisé par Michael Wadleigh et assisté
de Martin Scorsese, qui participe au montage. Et un nouveau Woodstock
est également organisé en juillet 1999, réunissant tous les groupes des
années 1990. Mais la plupart n'ont plus grand-chose à voir avec l’idée
de contre-culture du premier festival.
Pour le quarantième anniversaire, de nombreuses rééditions voient également le jour.
Sony
Legacy vient de publier "The Woodstock Legacy", composé de cinq doubles
CD de Santana, Janis Joplin, Sly & The Family Stone, Jefferson
Airplane, et couplé avec l’intégralité du concert donné à Woodstock.
La
maison de disques Naive sort également une compilation, baptisée
"Legends of Woodstock, Spirit of 1969", un double-CD, avec notamment
des live de Jimi Hendrix.
Un film, intitulé "Taking Woodstock" ,
est également prévu pour le 23 septembre 2009. Réalisée par Ang Lee,
cette comédie dramatique raconte l’histoire d’un jeune homme, Elliot,
qui se trouve embarquer dans le fameux festival, expérience qui va
bouleverser sa vie à jamais.
A l’échelle internationale sont
organisés des concerts successifs, les 15 et 16 août prochains à New
York, et les 22 et 23 août à Berlin.
Les événements sont toujours organisés par Michael Lang, déjà derrière l'organisation du 25ème et du 30ème anniversaire.
Ces
grands concerts, devraient voir remonter sur scène les artistes déjà
présents lors de la première édition de 1969, tels que Santana, Crosby,
Stills & Nash ou encore The Who.
Cécilia Delporte
"Source du site 'Radio Nostalgie'" "
Merci au Forum 60-70.