TF1 News : La veuve de
Bernard Laroche, un temps soupçonné d'avoir été le meurtrier du
petit Grégory,
a annoncé lundi qu'elle accepterait l'exhumation du corps de son mari
si cela était nécessaire pour l'innocenter définitivement. Qu'en
pensez-vous ?
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Etienne Sesmat :
Marie-Ange Larocheet son avocat ont surtout annoncé qu'ils n'accepteraient cette
exhumation qu'une fois toutes les autres pistes explorées... Ils font
notamment référence aux enregistrements audio du corbeau. C'est un
argument bien spécieux, encore une diversion. Il leur appartient
d'avancer la preuve que les évolutions des techniques dans ce domaine
peuvent apporter des éléments nouveaux. Or, les experts sont très
réservés sur le sujet. Qu'ils montent leur dossier et le présentent à
la justice ! Tout le reste n'est que de la gesticulation médiatique.
TF1 News : La découverte de deux
ADN sur une lettre du corbeau représente-t-elle un espoir d'atteindre la vérité ?
E.S. :
Je suis raisonnablement optimiste. Tout élément peut nous aider à
avancer vers la vérité mais il n'est pas certain que des résultats
déterminants soient obtenus. Peut-être devrions-nous nous contenter de
ce qu'il y a déjà dans le dossier... Celui-ci est moins vide et
mystérieux que certains le laissent entendre.
TF1 News : Quelles sont les certitudes et les zones d'ombres dans cette affaire ?
E.S. :
Nous avons de nombreuses certitudes, notamment parce que
chronologiquement et géographiquement les faits sont très délimités. On
sait que Grégory a été vu pour la dernière fois par une tierce personne
à 16h55 le jour de sa mort. Entre 16h45 et 17h15, le corbeau envoie une
lettre. A 17h20, la disparition de l'enfant est signalée par sa mère. A
17h32, un appel à la famille Villemin revendique le meurtre. A 17h40,
un témoin à Docelles voit dans la Vologne une forme qui ne peut être
que le corps de l'enfant. On le retrouve vers 21 heures. On est dans un
créneau de temps extrêmement serré.
Par ailleurs, les
circonstances du crime limitent considérablement son mobile. L'enquête
est donc circonscrite dans un cercle socio-familial très limité et le
nombre de personnes suspectes est extrêmement réduit ; leurs alibis ont
été vérifiés. On ne peut que constater, 25 ans plus tard et après 9
années d'instruction, notamment sous la direction de magistrats
chevronnés à Dijon, que nous ne sommes jamais arrivés à sortir d'une
dualité d'hypothèses : la mère,
Christine Villemin, ou le cousin,
Bernard Laroche.
Toutes les autres pistes ont été explorées ; elles se révèlent toutes improbables. La piste
Christine Villemina été explorée à 150% et il est certain -la justice l'a catégoriquement
affirmé et cela est encore confirmé aujourd'hui avec les premiers
résultats en ADN- qu'elle est totalement innocente. Elle est
aujourd'hui toujours mariée à son mari et a eu trois enfants. L'alibi
monté pour la suspecter était aussi absurde qu'abject.
TF1 News : Et pour
Bernard Laroche ?
E.S. :
Attention, je ne dis pas qu'il est le coupable. Tous mes propos sont
appuyés sur des décisions de Justice. Et je dis qu'il ne faut pas
oublier que dans l'arrêt rendu en 1993 par la cour d'appel de Dijon, et
qui innocente
Christine Villemin, il y a aussi tout un chapitre qui énumère toutes les "charges sérieuses" pesant sur
Bernard Laroche dans l'enlèvement du
petit Grégory : les expertises graphologiques, les expertises vocales, de nombreux témoignages...
L'action
publique à son encontre est éteinte puisqu'il est mort mais la justice
ne s'est pas interdit de mener des recherches dans cette voie car elles
s'imposaient. Cela est difficile car toutes les vérifications et
expertises qui auraient dues être faites, notamment durant les trois
mois où il est resté emprisonné, n'ont pas été réalisées. On ne dispose
par exemple d'aucune expertise psychiatrique à son sujet, alors que
Christine Villemina été examinée par neuf collèges d'experts en la matière ! Cela n'a
pas été fait parce que des pressions ont été exercées sur le juge
Lambert et qu'il y a eu une machination pour orienter toutes les
investigations vers
Christine Villemin. C'est aussi une des tristes et dures certitudes de ce dossier.
TF1 News : Votre enquête a été vertement critiquée. On vous a même accusé d'avoir poussé Jean-Marie Villemin à tuer
Bernard Laroche. Que répondez-vous aujourd'hui ?
E.S. :
Ces accusations très graves relèvent tout simplement de la diffamation
et elles vont être immédiatement traitées comme telles : mon avocat,
Me. Thierry Marembert, a lancé une procédure de citation directe. Je
rappelle que l'associé de Me. Welzer, Me. Prompt, a déjà été condamné
l'an passé, à ma demande, pour diffamation suite à des affirmations
mensongères du même acabit. Il y a des limites au mensonge et à la
désinformation !
Je rappelle également que plusieurs plaintes
ont été déposées contre nous, les gendarmes, en 1985. Faux, usage de
faux, subornation de témoin, violation du secret de l'instruction !
Excusez du peu ! Elles se sont toutes soldées par un non-lieu en notre
faveur et cela a été confirmé en appel puis par la cour de Cassation.
Cela relevait de cette habituelle tactique de dèstabilisation pour
tenter de dévaloriser notre enquête.
On nous a notamment
attaqués sur les conditions dans lesquelles a été recueilli le
témoignage de Murielle Bolle, la belle-sœur de
Bernard Laroche.
Elle a dit qu'elle était avec lui quand il a enlevé Grégory ; elle a
réitéré ses propos devant le juge d'instruction, en tête-à-tête. Il n'y
a jamais eu de pression sur elle, il faudrait vraiment être des salauds
finis pour manipuler une gamine de 15 ans dans une affaire aussi
grave ! La justice a établi que les conditions de son audition avaient
été irréprochables. Elle s'est rétractée mais ses déclarations
initiales sont-elles pour autant sans intérêt ? Non, car son témoignage
est conforté et recoupé par de nombreux témoins. C'est cela qui donne
du poids à des aveux.
Depuis 25 ans, la tactique de Me. Welzer
est d'attaquer les personnes pour tenter de discréditer leur travail et
d'affaiblir leur thèse. Ils l'ont fait contre les gendarmes, contre
moi, contre certains experts, contre toutes les personnes qui se sont
mises sur leur chemin et enfin contre le président Simon de la manière
la plus vile. Vingt-cinq ans plus tard, Me. Welzer et sa cliente
ressortent toujours les mêmes accusations ! Il faut avoir une bien
piètre idée de la justice pour s'enferrer dans une telle tactique. Ils
vont l'apprendre à leurs dépens.
TF1 News
: Vingt-cinq ans après les faits, c'est difficile pour un enquêteur de
vivre avec une affaire non-résolue comme celle là ?
E.S. :
Non, cette affaire ne me hante pas comme certains le laissent entendre
de manière déplacée. Nous avons fait notre travail comme nous devions
le faire, en toute honnêteté et impartialité, avec méthode et
intelligence, et en utilisant tous les moyens que nous avions à
l'époque. Toutes les pistes à explorer ont été explorées, toutes les
expertises à faire ont été faites. Les faits aujourd'hui nous donnent
raison : 9 ans après, la justice est revenue sur la piste que nous
suivions au bout de quinze jours d'enquête. Non, ce qui est usant et
désespérant aujourd'hui, c'est de devoir sans cesse lutter contre les
clichés, les caricatures, les contrevérités, les approximations. Les
médias entretiennent par paresse ou par intérêt une impression de
confusion et de mystère sur cette affaire certes complexe mais bien
jalonnée tout de même.
TF1 News : Pensez-vous qu'un jour cette affaire sera résolue ?
E.S. :
Oui, parce que la police scientifique fait de rapides progrès et parce
qu'il y a des témoins qui savent la vérité. Je pense qu'un jour les
langues se délieront... Ceci dit, encore une fois, regardons tout ce
qu'il y a dans ce dossier -décisions de justice, procès de Dijon,
témoignages des uns et des autres...- et faisons-nous alors une idée.
Et puis, faisons confiance en notre justice : l'affaire Grégory n'est
pas une affaire médiatique, c'est une affaire judiciaire. La décision
très courageuse a été prise de rouvrir le dossier. Attendons la
suite...