Son enfance [
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Robert Johnson est né dans le delta du
Mississippi dans le village de Hazlehurst de
Julia Dodds et de
Noah Johnson. Sa date de naissance n'est pas connue avec précision, les traces qu'il a laissées suggèrent des dates allant de
1909 à
1912.Bien que courte, sa carrière de bluesman aura été prolifique.
Alors qu'il était encore
nourrisson, sa mère et sa sœur Bessie quittent son père et vivent sur la route, travaillant d'un champ à un autre pendant plusieurs saisons avant de s'établir à
Memphis chez un certain
Charles Spencer. Spencer vit alors avec sa femme et sa maîtresse et les enfants de chacune d'entre elles. Bien qu'aucune tension n'ait été relatée entre les deux femmes, la mère de Robert quitte la maison des Spencer sans ses enfants. Robert vit à Memphis chez Charles Spencer jusqu'en 1918 date à laquelle le caractère obstiné de Robert convainc son hôte que la présence de sa mère pour l'élever s'avère nécessaire.
Robert, qui a pris le nom de Spencer, part donc pour Robinsonville, une communauté
cotonnière du nord du
Mississippi à 20 miles au sud de Memphis. Il y passe la fin de son enfance en compagnie de sa mère et de son nouveau beau-père, Willie « Dusty » Willis, qui a épousé sa mère en
octobre 1916. C'est à cette époque que Robert s'intéresse à la musique. Après un premier essai de la
guimbarde, il l'abandonne rapidement au profit de l'
harmonica qui devient son instrument principal. C'est également pendant son adolescence qu'il apprend l'existence de son véritable père et commence à se faire appeler Johnson (il continue cependant à utiliser le nom de Spencer jusqu'au milieu des
années 1920 notamment à l'école qu'il quitte rapidement à cause de problèmes de vue).
Ses débuts [modifier]À la fin des
années 1920, il se met à la guitare et se confectionne un support pour son harmonica afin d'utiliser les deux instruments simultanément. La chanson de
Leroy Carr,
How Long-How Long Blues, semble être une de ses favorites à cette époque pour s'exercer à la musique. Dans ses débuts de musicien à Robinsonville, Robert reçoit l'aide de
Willie Brown et de l'inévitable
Charley Patton notamment.
Bien que Robert se passionne pour la musique, il ne se considère que comme un
paysan lorsqu'il épouse, en
février 1929, Virginia Travis à
Penton dans le Mississippi. Ils s'installent alors dans une maison en compagnie de la sœur aînée de Robert, Bessie, et de son mari sur la
plantation de
Kline à l'est de Robinsonville.
Virginia tombe enceinte durant l'
été 1929 mais elle meurt, à 16 ans, avec son enfant lors de l'
accouchement en
avril 1930.
Le pacte avec le diable [modifier]C'est en
1931 qu'il rencontre
Son House pour la première fois. Ce dernier, l'écoutant jouer, le ridiculise (
tu ne sais pas jouer de la guitare, tu fais fuir les gens) et lui conseille d'abandonner la guitare pour se concentrer sur l'harmonica. Peu de temps après cet affront, il quitte Robinsonville pour sa ville natale Hazlehurst dans laquelle il espère retrouver la trace de son véritable père.
À Hazlehurst, Robert tombe entre les mains du bluesman
Ike Zinnerman qui devient son mentor. Par ailleurs, étant beau garçon, il ne met pas beaucoup de temps à rencontrer une nouvelle femme, Calletta
Callie Craft, de dix ans son aînée, qu'il épouse en secret en
mai 1931. Callie idolâtre Robert et s'occupe de toute son intendance, cuisinant et travaillant pour lui. Ceci laisse beaucoup de temps à Robert pour travailler la musique auprès de Ike. Le samedi soir, il se rend dans les tavernes, parfois accompagné de Callie, pour jouer toute la nuit. Il commence alors à obtenir un certain respect en tant que musicien et se fait un nom sous les initiales de
R.L. (pour Robert Lonnie du nom d'un musicien plus célèbre également appelé Johnson).
Robert revient finalement à Robinsonville deux ans après l'avoir quitté.
Son House est abasourdi par les progrès réalisés par le guitariste avouant même qu'il est maintenant dépassé. C'est à cause de ces progrès stupéfiants que la légende du pacte avec le diable va naître à une époque où le
vaudou est encore très vivace dans la communauté noire du Mississippi.
Robert Johnson va profiter de cette rumeur pour mettre en place la légende. Un jour, il réunit quelques amis au coin d'un bois et leur raconte ce qui va devenir sa légende : un soir très sombre alors qu'il se promenait dans les alentours de
Clarksdale dans le Mississippi, il se perdit à un carrefour (
crossroads en
anglais). Alors qu'il commençait à s'endormir une brise fraîche le réveilla. Il vit au-dessus de lui une ombre immense avec un long chapeau. Effrayé, ne pouvant dévisager cette apparition Johnson resta comme paralysé. Sans un mot l'apparition se pencha, prit sa guitare, l'accorda, joua quelques notes divines avant de lui rendre l'instrument et de disparaître dans le vent noir du Sud.
En réalité, cette légende provient d'un autre bluesman,
Tommy Johnson, qui prétendait avoir vendu son âme au diable, un soir, à un carrefour, pour obtenir sa virtuosité à la guitare. Robert Johnson aurait donc repris cette histoire à son compte, à moins que -Tommy et lui portant le même nom (Johnson)- elle ne lui ait été attribuée à tort. Cette légende et le personnage de
Tommy Johnson apparaissent dans le film des frères Coen,
O'Brother. Le scénariste de la série Supernatural, qui raconte la longue épopée de deux frères à travers les Etats-Unis cherchant à venger la mort de leur mère, assassinée par un démon, s'est longuement inspiré de cette légende; le carrefour en question est le sujet central de l'un des épisodes de la série où il est question d'un jeune musicien noir cherchant à devenir absolument l'un des meilleurs bluesmen de sa génération. A plusieurs reprises, au long des épisodes, divers personnages de la série se rendront à cet endroit afin de rencontrer une employée de l'Enfer, et négocier la résurrection d'un proche.
Sa carrière de bluesman [modifier]Robinsonville étant principalement une ville de paysans, Robert se rend compte qu'il ne souhaite pas travailler dans les champs et décide donc de partir pour mener sa vie de musicien. Ceci l'amène à voyager dans tout le delta du Mississippi et il finit par s'établir (bien que n'arrêtant jamais de voyager) à
Helena chez Estella Coleman, l'une de ses maîtresses. Robert prend d'ailleurs sous son aile le fils d'Estella qui porte le même prénom que lui,
Robert Lockwood Jr., et l'aide à améliorer son jeu.
Helena est une ville très riche musicalement et Robert côtoie des artistes tels que
Sonny Boy Williamson II,
Robert Nighthawk,
Elmore James,
Howlin' Wolf ou encore
Johnny Shines avec qui il s'associe un moment. Johnny Shines dira sur cette période :
<BLOCKQUOTE>
«
Nous étions sur la route des jours et des jours, sans argent et parfois sans nourriture, cherchant un endroit décent pour passer la nuit. On jouait dans des rues poussiéreuses et des bars crasseux, et tandis que j'étais à bout de souffle et me voyais vivre comme un chien, il y avait Robert tout propre comme s'il sortait d'une église le dimanche ! ».</BLOCKQUOTE>
Vers le milieu des
années 1930, Robert Johnson est musicien professionnel depuis plusieurs années, il jouit d'une certaine célébrité dans la région et souhaite enregistrer des disques comme ses références Willie Brown,
Son House et
Charley Patton. Robert auditionne alors pour
H. C. Speir à son magasin de musique. Speir détient un accord avec
American Record Company mais pour diverses raisons il prend seulement son nom et son adresse et les transmet à Ernie Oertle d'American Record Company. Après une nouvelle audition, Oertle décide de l'enregistrer à
San Antonio.
La première session d'enregistrement de Robert est réalisée en
novembre 1936 par Don Law. Il enregistre ainsi
Terraplane Blues une de ses chansons les plus connues qui devient rapidement un succès pour le
label Vocalion Records. Il est rappelé au
Texas en
juin, mais bien que Don Law apporte le meilleur matériel en sa possession, rien n'égale le succès de
Terraplane.
Bien que six des onze enregistrements de Johnson soient encore au catalogue de Vocalion en
décembre 1938, il n'est rappelé ni le printemps, ni l'été suivant.
Une de ses trois tombes
Sa mort [modifier]Il meurt en
1938 dans des circonstances mystérieuses. Après un concert dans un bar de Greenwood, il se sent mal et il est emmené chez un ami. Certains estiment qu'il a été empoisonné par un mari jaloux, d'autres qu'il a succombé à la
syphilis, ou à une
pneumonie (
pathologie pour laquelle il n'existait aucun traitement à l'époque), voire à l'action combinée des trois, les versions étant aussi vraisemblables les unes que les autres compte tenu de ce que l'on sait de la vie de ce bluesman légendaire.
Sonny Boy Williamson racontera que Robert Johnson aurait consommé une bouteille de whisky empoisonnée à la
strychnine offerte par le tenancier d'un bar jaloux de le voir tourner autour de sa femme. Le bluesman agonisera trois jours avant de décéder. Néanmoins, cette version est contestée (tout comme de nombreux faits intervenus dans sa vie). Robert Johnson fut vraisemblablement le premier d'une longue série d'artistes maudits morts à l'âge de 27 ans. Quatre ans plus tard, un cyclone ravageait les lieux de sa mort.
Il est entré dans le
27 Club regroupant les figures de la musique décédées à 27 ans, comme
Janis Joplin,
Brian Jones,
Jimi Hendrix,
Jim Morrison,
Alan Wilson ou
Kurt Cobain.
Musique [modifier]Style [modifier]Le jeu de guitare de Johnson, en plus d'être adroit et véloce, présentait une certaine originalité comme l'utilisation des cordes basses pour créer un rythme entraînant, comme par exemple sur la chanson
Sweet Home Chicago. Il utilisait beaucoup les
accords ouverts. Par ailleurs, sa voix était également étonnamment haute.
Les influences de Johnson sont principalement à chercher du côté de
Son House mais aussi de
Skip James ou
Lonnie Johnson.
Johnson est fréquemment cité comme
the greatest blues singer of all time (
le meilleur chanteur de blues de tous les temps) ou même comme
le musicien le plus important du XXe siècle, cependant beaucoup d'auditeurs restent déçus à la première écoute de ses morceaux. Cette réaction peut être due à une relative méconnaissance de l'émotion brute et de la forme épurée du
Delta blues ou tout simplement à cause de la qualité de l'enregistrement médiocre comparée aux standards de production actuels.
Héritage [modifier]Durant sa courte carrière, il aura laissé 29 titres enregistrés, 2 photos et 3 tombes ! Sa vie, sa musique et sa mort en ont fait une légende pour plusieurs générations de bluesmen et de rockers. Il laisse à la musique des morceaux tels que
Sweet home Chicago (repris par les
Blues Brothers),
Travelling riverside blues (repris par
Led Zeppelin),
Love in vain (repris par
les Rolling Stones),
Walking blues,
Malted Milk (repris par
Eric Clapton sur l'album
Unplugged) ainsi que
Come on in my Kitchen (repris par
Allman Brothers Band,
Eric Clapton sur l'album
Me and Mr Johnson,
Keb Mo sur l'album
Keb' Mo', et par
Bob Brozman sur l'album
A Truckload of Blues),
Crossroads (repris par
Cream,
Lynyrd Skynyrd),
They're red hot (repris par les
Red Hot Chili Peppers),
Stop Breakin' Down Blues (repris par
White Stripes) etc.
Eric Clapton lui a aussi dédié un album complet
Me and Mr Johnson (en référence à la chanson de Johnson
Me And The Devil) où il reprend nombre de chansons de son maître.
Discographie [modifier]Les
disques originaux de Robert Johnson sont parus en
78 tours.
- Terraplane Blues / Kind Hearted Woman Blues (Vocalion 03416)
- 32-20 Blues / Last Fair Deal Gone Down (Vo 03445)
- I Believe I'll Dust My Broom / Dead Shrimp Blues (Vo 03475)
- Cross Road Blues / Ramblin' on My Mind (Vo 03519)
- They're Red Hot / Come on My Kitchen (Vo 03563)
- Sweet Home Chicago / Walkin' Blues (Vo 03601)
- Hell Hound on My Trail / From Four Until Late (Vo 03623)
- Milcow's Calf Blues / Malted Milk (Vo 03665)
- Stones in My Passway / I'm a Steady Rollin' Man (Vo 03723)
- Stop Breakin' Down Blues / Honeymoon Blues (Vo 04002)
- Me and the Devil Blues / Little Queen of Spades (Vo 04108)
- Love in Vain Blues / Preachin' Blues (Up Jumped The Devil (Vo 04630)
Tous les enregistrements que l'on a pu récupérer de Robert Johnson, y-compris les inédits, sont disponibles sur le double CD :
- Robert Johnson - The Complete Recordings. Collection Roots N' Blues - CBS (1990) et Sony Music Entertainment (1996)
(wiki)