Spectacles non musicaux

Ca faisait un bon bout de temps que j'avais décidé d'aller voir mon ami (si, si) Manu PRATT pour son nouveau spectacle : "La valse des Hyènes".
Ce spectacle ne sera pas donné à STRASBOURG (les gérants de salles et organisateurs de spectacles disent : trop dur, pas en accord avec notre public, etc...). Le cabaret "L'entrepôt" de MULHOUSE décide, lui, de le programmer... Dès que j'apprends la nouvelle, je m'inscris.
DEEP PURPLE joue pourtant le même soir à KARLSRUHE (qui est à une heure de route de chez moi)..... La veille je bosse jusqu'à 19 heures (et une répète de ma troupe de théâtre est prévue à 20H30) et le lendemain, Gib's vient nous voir pour une séance vidéo. Entre les trois contretemps, je dégomme Deep Purple. Trop vus Shocked

, setlist à bailler (pour moi), vraiment, je peux m'en passer. Au début, So Deep intriguera pour soit me faire changer d'avis, soit aller seule à KARLSRUHE, et moi seul à MULHOUSE. Les circonstances, les pressions diverses et les petits arrangements ont finalement amené la situation d'hier : nous allons tous deux à MULHOUSE.
On prend le train à 18h20, et nous voyageons dans un compartiment, en très agréable compagnie : une très mignonne étudiante en sciences po avec qui nous discutons amicalement....
De la gare de MULHOUSE nous marchons jusqu'au cabaret, ce qui nous prend un quart d'heure.
Arrivé là-bas, Patrick MARGUIER (le directeur) nous accueille et me reconnait (on est pote, car du temps où j'habitais MULHOUSE je venais souvent aux spectacles ici, et j'y ai sympathisé avec plein d'artistes). Pour lui, je suis toujours mulhousien (je lui répète à chaque fois que je suis citoyen strasbourgeois, mais il me considère sans doute comme mulhousien d'honneur Very Happy

). Ca me donne droit à un tarif réduit, de plus !!!

On paye nos places, on met nos vestes sur deux sièges juste devant la scène, on s'installe au resto du cabaret et nous dinons, en devisant agréablement avec Patrick (qui arrive à nous décider à revenir dans 15 jours pour un autre spectacle incontournable !!). On parle des spectacles, de la fréquentation (très faible, en ce moment, pour les salles de ce type), des spectacles "coups de coeur", etc... Puis je vois Manu qui descend les escaliers. Il est presque 20 heures, le spectacle commence dans un peu plus de trente minutes. Manu nous repère (il ne savait pas que nous serions présents ce soir, mais peut-être que patrick lui l'aura dit à l'instant), et il vient vers notre table, direct (on est une petite vingtaine déjà présents). Il s'installe et on cause une grosse vingtaine de minutes...

De tout, de rien, de nous, de lui, de la scène de lui que je joue de temps en temps (Le mariage), de la pièce de lui que je veux monter (Limite) et du mal que j'ai à trouver une comédienne pour jouer cette pièce avec moi (et du coup il me parle du mal qu'il a lui aussi à trouver de bons commédiens pour l'accompagner, il me raconte ce que sont devenues certaines de ses associées de l'époque)......
Puis il s'eclipse et monte sur scène..... Pour se cacher en coulisses. Sur la scène, une simple chaise. Ce sera son seul accessoire, avec une petite boîte à musique.....

Quelques minutes plus tard, les lumières s'éteignent dans la salle, s'allument sur scène, et là, tout de blanc vêtu (à l'exception des chussures marron et de belles chaussettes vertes à motifs), Manu commence son spectacle. En plusieurs tableaux, avec des sorties de scènes qui ont une même intention, il nous emmène dans sa vie. Je ne veux ni ne peux déflorer le sujet (ceux qui verront la pièce comprendront combien cette sentence est adaptée) mais je peux annoncer que Manu PRATT nous fait partager ses craintes et angoisses de jeunesse, ses rêves (devenir un bougnoule, devenir Jésus), ses illusions, ses espoirs, ses combats (comment il va réussir, à 11 ans, à aborder Sylvie, cette belle et grande fille blonde, puis son premier baiser avec Sarah), sa rencontre avec les gens libres (des romanichels) parmi la crasse, le kitch, l'à-peu-près (rois du bricolage, faut avoir entendu comment ils réparent une chaise décollée) et les petites rapines. Nous sommes aussi ses confidents quant il scénarise le sadisme (non conscient, ou bien ?) de son arrière-grand-mère, les violences de son père (Manu joue son père, militaire de carrière, relatant ses faits d'armes en Algérie), le curé qui fait chanter les cantiques aux fidèles du dimanche (Tu es mon berger, Ô Seigneur, je suis sûr de ta parooo - oleu), et tant d'autres personnages qui ont jalonné sa vie. Avec cette redoutable précision du mot, ce jeu parfait, cette mise en situation calculée au milimètre.... Rien n'y échappe.
Jusque vers la fin, le rire l'emporte sur la gène, le dégoût, la fascination. Mais, il fallait s'y attendre, le couperet va tomber, et Manu nous assène un (et même plusieurs) coup en nous rendant spectateur de la fin de son innocence, en nous faisant témoins de son calvaire, de sa résistance, de sa sortie de l'abyme. Comme si celà ne suffisait pas (bon dieu qu'est-ce qui se passe, mes yeux sont embrumés) il nous impose (pour que nous ne restions pas sur ce trauma unilatéral) une facette de sa vie dans laquelle sa lâcheté, sa noirceur combat avec son désir d'amour, son envie d'âtre différent. Et nous prenons acte que décidément non, il n'y a pas de droite ligne qui fait qu'une victime soit (ou reste) innocente...
La toute dernière scène, qui fait miroir à la première nous montre Manu et sa petite fille, Manu qui endosse le rôle sadique de l'arrière grand-mère.
Il interrompt heureusement cette scène, en disant "On n'a pas le droit de faire ça aux enfants" puis redevient noir. Il quitte la scène en faisant tourner la petite boite à musique qu'il tient entre les mains. Cette boîte joue de manière métallique la musique de : "Parlez-moi d'amour, redites-moi des choses tendres, etc..", et Manu, avant de sortir, prend le soin de nous convaincre : "Conneries".....
P....n, là, je chiale vraiment. Quel jeu, quel message, quelle mise à nu... La condition humaine, vue par un écorché, ah oui p....n, ça fait mal !
On retourne au bar. On commmande une dernière boisson. Manu, après une douche rapide (pour se laver de toutes les saloperies qu'il a réveillé), nous rejoint et nous causons à nouveau. On le félicite pour le spectacle, on parle de nos projets, et bien sûr on se reverra à STRASBOURG (il y joue en janvier 2009) et Fanny s'arrange pour qu'il nous promette de venir manger à la maison (bravo Fanny).
Le train nous attend. Une dernière photo :