OZZY OSBOURNE : Patient Number 9
A travers le titre de ce nouvel album dédié à Taylor Hawkins, le regretté batteur des Foo Fighters, Ozzy se définit parfaitement bien : c'est un patient à lui tout seul. Quand on le voit aujourd'hui, on a affaire à un petit monsieur arc-bouté qui avance péniblement sur ses deux jambes, un patient pour lequel on éprouverait une amicale compassion au regard de la carrière exceptionnelle qu'il a véhiculée. Ou plutôt que sa femme a gérée, son seul soutien dans les 80's, soutien dont il dispose au quotidien et qui l'épaule voire le supporte au gré des années. 'Patient' en anglais, c'est également le qualificatif que l'on pourrait attribuer toujours à cette Madame Osbourne. Si elle n'avait pas été là, le gars serait mort depuis longtemps.
Ainsi, le Madman revient donc avec ce Patient Number 9 de nouveau superbement produit par Andrew Watt et ce, à peine 3 ans après Ordinary Man.
Première constatation : le sticker laisse rêveur quand on le lit. En effet, Ozzy s'adjuge les loyaux services d'une grosse artillerie représentée dignement par Eric Clapton, Jeff Beck, Tony Iommi (son fidèle comparse du Sab) et Mike McCready de Pearl Jam (bon en ce qui me concerne, lui, il me fait déjà moins rêver).
Ca commence sur un Immortal très percutant (avec un petit départ à la Immigrant Song) où Ozzy n'a de cesse de répéter 'But I'll never die. Cause I'm immortal', chose dont il semble persuadé après toutes ces années d'écarts incessants. On en est aussi convaincus même si l'on est bien conscients que ses jours sont quand même un peu comptés.
Après une intro inquiétante parsemée de cris et de râles en tout genre, le morceau-titre bénéficiant d'une production parfaite, comme tous les autres d'ailleurs, démarre sur un tempo quelque peu guilleret limite dansant pour déboucher sur un refrain vraiment accrocheur porté par la voix lancinante d'Ozzy et la guitare efficace de Jeff Beck. Vous n'aurez qu'une envie, c'est de le remettre une fois terminé.
Ce Parasite-là, n'est pas celui de Kiss mais bel et bien un nouveau titre de notre ex-chanteur du Sab. Gros riff accompagné d'une voix une nouvelle fois lancinante (sait-il vraiment chanter d'une autre façon ?) puis refrain pour le moins convenu voire discutable mais heureusement couvert par une énorme et rapide section rythmique.
The Escape From Now (avec le sieur Iommi à la six-cordes) s'articule autour d'une intro en mode ballade sirupeuse avec cette guitare sèche pour ensuite partir sur un riff puissant lorgnant vers du Sabbath ponctué d'un solo bien avisé de la part de Iommi, riff dérivant invariablement sur la fameuse "cavalcade sabbathienne" en guise de conclusion. Excellent morceau.
On sait LE Ozzy vouer un amour inconditionnel pour l'oeuvre des Beatles de par cette recherche continuelle de la mélodie et ce n'est pas un hasard si effectivement la plupart des morceaux tels que ce One Of The Days oeuvrent dans ce sens : titre poppy mid-tempo mais sympathique. Voilà, c'est "sympa sympa" grâce entre autres au solo de Clapton qui y met son grain de sel si facilement reconnaissable élevant somme toute le morceau vers quelque chose d'appréciable. "Appréciable", c'est tout. En même temps où sont passés les Crazy Train, les Flying High Again, les Mr. Crowley et les Bark At The Moon d'antan ? Oui, je sais, nous ne sommes plus dans les 80's.
Ca se poursuit inexorablement avec.................. une autre ballade estampillée Fab Four intitulée A Thousand Shades certes joliment composée (c'est pour vous dire, même Mme Phil adore l'album dans son intégralité, album qu'elle a d'ailleurs transféré sur son MP3). C'est esthétique et mélodique à souhait et donc ça lui convient. Oui mais bon voilà......
Mr.Darkness, compte tenu de son titre à la finalité autobiographique, pourrait musicalement présager de bonnes intentions de la part du vocaliste natif d'Aston mais cette intro doucerette inquiète et préoccupe l'auditeur que je suis. Un titre un brin de toute évidence nostalgique mais assez convenu, lui qui fut le Prince des Ténèbres en d'autres temps qui est aujourd'hui le "Prince des Paquerettes quelque peu fânées".
Une réaction s'impose donc. L'honneur est sauf lorsque soudainement surgit de nulle part et ce, dans un fracas de notes assourdissantes un riff qui rappellerait quelque peu l'époque dorée du Sab version Ozzy.
Je suis rassuré..... Malheureusement mais pas pour longtemps lorsque résonnent ensuite les accords du morceau suivant Nothing Feels Right. Intro douce, petite power ballade sucrée mais tellement sombre au niveau des lyrics évoquant une solitude menant inévitablement vers une dépression chronique. Ozzy n'a jamais véhiculé une image très optimiste. Le solo Wyldien en guise de conclusion, classique dans sa progression, s'avère toutefois intéressant.
Retour sur du connu avec cette intro très Sab suivie comme à son habitude de cette voix plaintive portée par une section rythmique pachydermique. Pour résumer un très bon titre.
Ce qui est aussi le cas de Degradation Rules sur lequel l'ami Trujillo se la joue à la Geezer, accompagné très chichement par l'harmonica lointain d'Ozzy. Tony Iommi réquisitionné une nouvelle fois, se fend d'un solo tout particulièrement réussi, un solo tout en finesse jamais orienté vers quelque chose de démonstratif. L'a jamais fait dans le "paraître" guitaristique, le Iommi.
On retourne sur du mou avec ce Dead And Gone, une sorte de Shot In The Dark en version édulcorée (merci Chad à la batterie
). A consommer en dégustant une bonne "soupe" bien chaude, l'hiver approche en même temps. Ozzy aurait-il, à cet instant précis, perdu le "Knorr" en composant ce titre qui frise le quelconque ? Probable.
Un peu dans la lignée d'un Mama I'm Comin' Home bourré d'arrangements sophistiqués, Ozzy ré-affirme via ce God Only knows sa foi inébranlable envers Dieu. Un brin solennel dû à la présence de choeurs pas forcément utiles auxquels participe entre autres l'omniprésent producteur Andrew Watt (multi-instrumentiste soit dit en passant), la compo n'en finit pas (5'01)..................de finir sur ce 'God Only Knows what's going on'.
Darkside blues, un final atypique trop court mais fort sympathique pour un album d'Ozzy Osbourne dont on sait qu'il a toujours été fan de blues.
Alors le bilan : Patient Number 9, c'est le regard sur le passé lointain d'un homme tourmenté, réduit au stade de "sempiternel patient" par les affres de l'existence, ses albums ayant été considérés pour lui comme des points de repère de sa longue thérapie. Dressant une sorte de bilan existentiel, il se veut être également l'expression d'un vibrant appel à l'approche d'une mort prochaine. Oui, cet homme désabusé se dit effrayé par rapport à cette issue fatale et inévitable. Invoquant les instances divines, il essaie, cependant de se rassurer (se raccrocher ?) en se qualifiant d'"immortel" d'éntrée de jeu.
On ne retrouvera plus de toute évidence les titres glorieux du passé évoqués bien plus haut car l'homme a changé tout simplement. Patient Number 9 se veut être un très bon condensé de l'état d'esprit d'un type en fin de parcours. Il s'agit d'un opus agréable à l'écoute : en tout cas, on a envie de le réécouter. Et ça, c'est par conséquent un signe qui ne trompe pas. C'est bien là, l'essentiel, non ?
LP