INTERVIEW JIMMY PAGE POUR LE MAGAZINE CLASSIC ROCK. NUMERO DE DECEMBRE 2015
BONHAM, GROHL ET LE LEGS DE LED ZEPPELIN : UNE INTERVIEW EPIQUE DE JIMMY PAGEtraduite par mes soins à partir de l'anglais
La légende de la guitare se confie au sujet d’amis absents, de fans superstars, de mauvaises critiques, et de ce qu’il y a de mieux après avoir joué avec Led Zeppelin.Dans un hotel de l’Ouest londonien, Jimmy Page revient sur une carrière de 50 ans. Le fondateur et génie créatif de Led Zeppelin est ici pour parler à Classic Rock de sa vie et de son travail - courant des premiers enregistrements qu’il réalisa en tant qu’adolescent naïf jusqu’au legs que laisse derrière lui le plus grand groupe du rock. Il se souvient de la magie émanant de la première fois où Zeppelin joua ensemble, des luttes menées contre les bootleggers et la presse, de l’éclat de feu John Bonham ou encore de la chanson rédigée en forme de blague qui s’est retournée contre lui. Et il explique pourquoi jouer avec les Black Crowes fut le plus proche qu’il ait atteint en matière de renouvellement des émotions éprouvées avec Led Zeppelin.
CR : Quand vous repensez à 1968, au moment initial où vous avez monté Led Zeppelin, à quel moment avez-vous réalisé que vous teniez quelque chose d’unique ?
JP : Ça s’est passé lors de la première répétition, qui se tenait à Londres, dans Gerrard Street. J’ai dit que nous devrions faire « Train Kept A’ Rollin », mais je pense que j’étais le seul qui savait la jouer. Je ne sais pas vraiment ce que nous avons fait d’autre. Mais dès que nous nous sommes mis à jouer ensemble, chacun savait par instinct que nous n’avions jamais joué ou entendu auparavant quelque chose de ce style. Et ça tapait tellement en plein dans le mille.
CR : Aviez-vous déjà écrit des chansons pour le groupe avant cette première répétition ?
JP : Il y avait du matériel auquel j’avais déjà pensé, comme « Babe I’m Gonna Leave You » et quelques autres trucs. Et au moment où j’ai eu tout le monde chez moi, et où nous nous sommes mis à répéter régulièrement, nous travaillions sur « Communication Breakdown » et « You Shook Me ». C’était phénoménal de poser ce matériel. Nous savions combien c’était bon.
CR : En quoi Led Zeppelin se différenciait des autres groupes de rock de cette époque ?
JP : En ce temps-là, on trouvait des groupes vraiment géniaux, construits autour d’un instrumentiste. Au sein de Led Zeppelin vous aviez quatre maîtres-musiciens. Je sais que Cream en possédait trois, mais d’avoir quatre gars ensemble, tous jouant à ce haut niveau, ça représentait quelque chose d’autre. Pour être honnête avec vous, je savais que le groupe était de la dynamite. A partir des répétitions que nous eûmes à la maison, je savais ce que nous avions. Et après la tournée réalisée en Scandinavie, je savais que ça se traduirait par une aptitude à jouer en live.
CR : Le premier album de Zeppelin est sorti en janvier 1969. Quels sont vos souvenirs au sujet de la réalisation de cet album ?
JP : C’était super, la façon dont s’est fait le premier album - à le jouer en public en Scandinavie - pour vraiment le rôder, avant de rentrer en studio. De cette manière, il t’était vraiment possible de t’y exercer, avant de l’enregistrer. Si tu as l’avantage de procéder de cette façon, cela constitue une manière vraiment saine de rentrer en studio, particulièrement avec des gars qui n’ont pas trop fréquenté les studios avant. Il fallait également enregistrer très minutieusement, et c’était plutôt sans pitié, vous ne pouviez pas vous engager là dedans et perdre du temps, particulièrement avec un nouveau groupe.
CR : Quel était votre but avec cet album ?
JP : Tu voulais rentrer là-dedans et faire exploser le truc. Tu rassembles tous les ingrédients chimiques, et ça pète au moment où ça sort des enceintes. Le mot-clé c’est atomes crochus, alchimie. Et tu sais, cet album brossait un portrait complet. Tant d’idées et de combinaisons que les gens n’avaient jamais entendues auparavant. John Bonham avait tellement de puissance et de personnalité dans son jeu, et John Paul Jones produisait des parties de clavier géniales. Ce fut super d’avoir l’occasion de réaliser un album de cette manière.
CR : Dès le tout début, le groupe créa l’évènement dans les grandes largeurs en Amérique.
JP : Nous y sommes entrés, avons mis à genoux San Fransisco, et ça a suffi. Le premier album n’était même pas sorti. Ça s’est répandu comme une traînée de poudre - le bruit que ce groupe était simplement incroyable, et puis ensuite ils entendent l’album...
CR : Au début des années 1970, Led Zeppelin était le plus grand groupe au monde, vendant plus que les Stones. Comment avez-vous fait face à ce niveau de renommée ?
JP : Vous parlez de l’époque des jets privés et tout ce genre de trucs - ce à quoi vous faites référence, c’est ce genre de style de vie ? Parce que d’autres personnes faisaient cela, se servant de villes comme base, en ayant recours à un avion. Ça faisait sens.
CR : Ce que je voulais dire c’est comment vous, en tant que leader du groupe, avez-vous supporté cette pression ? Peter Grant, le manager de Led Zeppelin fut-il la clé de ceci - prenant soin de tous les détails afin que vous puissiez vous concentrer uniquement sur la musique et rien d’autre ?
JP : Oui, pour pouvoir aller aussi loin sur le plan créatif, vous aviez besoin de quelqu’un qui s’occupât du côté business de la chose. Et Peter prit assurément soin de cet aspect - en dehors de la réalisation des albums, bien sûr. Mais lui et moi nous sommes rendus à New York chez Atlantic lors de l’étape initiale, afin de conclure le premier accord. Et à l’époque du quatrième album, quand nous avons voulu sortir cet album vierge de toute information sur la pochette - pas de nom de groupe, pas de titre - Peter et moi avons connu une réunion intéressante chez Atlantic.
CR : Comment ça s’est passé ?
JP : Quand nous sommes arrivés là-bas, les avocats d’Atlantic nous ont séparé. Peter était dans un bureau, moi dans un autre. Ils disaient : « il faut que vous mettiez le nom du groupe sur la pochette ». J’ai souri et dit : « Vous pouvez l’imprimer sur l’emballage intérieur, de façon à ce que quand les gens sortent le disque, ils puissent voir « Led Zeppelin ». En fait, je me faisais charrier. Parce que [je leur avais dit] qu’ils n’auraient pas l’album sauf si les conditions que nous y mettions étaient remplies.
CR : Vous avez obtenu ce que vous vouliez - et cet album s’est avéré être l’un des disques les plus vendus de tous les temps.
JP : Oui. Mais à cette époque nous récoltions tant de mauvaises critiques de la part des média. Ceci explique pourquoi nous avons pensé : « D’accord, sortons un album sans aucune information et voyons ce que les gens pensent de cela ». Ce que dit Rolling Stone, ce n’est pas grave...
CR : Les mauvaises critiques que vous aviez chez Rolling Stone, ça vous blessait ?
JP : Ça n’avait pas d’importance. Vous pouviez deviner, même à partir des compte-rendus de concert, qu’ils passaient probablement leur temps au bar. Ils ne se concentraient absolument pas sur ce qui se passait. La réalité, directement à partir de ce moment connu à San Fransisco, c’était que les gens affluaient pour nous voir, et que ça ne s’est jamais arrêté.
CR : Vous souvenez-vous de la critique de l’album
Self-Portrait de Bob Dylan, 1970, parue chez Rolling Stone ? Elle démarrait fameusement par la question : « C’est quoi cette merde ? »
JP : Oui et bien c’est ce que je dirai au sujet de Rolling Stone, pas de Bob Dylan.
CR : Mais pour vous sur un plan personnel, y a-t-il eu des moments où Led Zeppelin a connu des ratés ? Y a-t-il des chansons dans lesquelles vous entendez le groupe lutter, ou peut-être essayer d’atteindre quelque chose qui était hors de portée ?
JP : Je ne pense pas. Je peux vous dire comment ça se passait avec Led Zeppelin. Quand nous travaillions à Headley Grange, à enregistrer à l’aide d’un studio mobile, ou si nous étions en studio, réservé pour y passer du temps, nous y rentrions et travaillions vraiment sur les idées que nous avions. Il y avait des choses qui venaient à partir de jams, spontanément. Et si quelqu’un avait un riff qui n’avait pas été conservé, ou si ça sonnait comme quelque chose que nous avions déjà fait auparavant, on ne revenait pas dessus.
CR : Donc il n’y a pas de chansons de Led Zeppelin qui vous embarrassent.
JP : Non. Aucune.
CR : Mais il y en a certaines qui semblent un petit peu désinvoltes. Il y a une chanson sur le dernier album de Zeppelin,
In Through The Out Door, le morceau de rock’n’roll espiègle « Hot Dog »...
JP : Oui. « Hot Dog » c’était juste un peu d’amusement.
CR : Et plus tôt, sur
Houses Of THe Holy, vous avez réalisé une chanson reggae avec un titre en forme de boutade phonétique, « D’yer Mak’er » [ndt : « Jamaïca »]. C’était une blague que vos fans américains n’ont pas saisie.
JP : En Amérique, ils n’avaient aucune idée de ce que ça signifiait, et c’était barbant de devoir s’expliquer. On pensait : « pourquoi ne pas l’avoir appelée autrement ? » Au moins les Britanniques ont compris, Dieu merci.
CR : Y a-t-il des chansons de Zeppelin qui vous donnent l’impression d’être sous-estimées ?
JP : Qu’est-ce que vous répondriez ?
CR : « Poor Tom » en est une. Peut-être s’est-elle perdue sur
Coda, l’album d’inédits sorti en 1982 après la séparation du groupe. Mais c’est une super chanson. Dave Grohl l’aime : il dit qu’il s’agit d’une des meilleures interprétations de John Bonham.
JP : Oui. Il a raison. Et d’accord, voilà ce qu’il en est pour « Poor Tom ». J’avais une idée pour la partie de batterie dans cette chanson. J’ai dit à Bonzo : « voilà comment faire ». Et je savais qu’il saisirait en cinq minutes, peut-être même moins. Dans son jeu, il maîtrisait les rythmes syncopés. Voilà à quoi ça ressemblait de jouer avec John. Lui et moi étions tellement en harmonie - c’était super. Tu pouvais écrire quelque chose et boum, tu savais exactement comment ça sonnerait.
CR : Une autre chanson sous-estimée est « For Your Life », tirée de
Presence. Tellement sous-estimée en fait que quand Zeppelin l’a jouée à l’O2 en 2007 - la première fois que vous l’interprétiez en public - de nombreux critiques pensèrent qu’il s’agissait d’une nouvelle chanson.
JP : Ce fut... intéressant (rires). Les critiques de l’O2 furent merveilleuses. Mais dans l’euphorie, les gens pensèrent que « For Your Life » était un nouveau morceau. Tout le reste, ils connaissaient, mais cette chanson-ci, ils n’en étaient pas informés.
CR : J’aurais suggéré que tous ceux qui ne connaissaient pas « For Your Life » n’auraient pas dû être présents à l’O2 lors de cette soirée. Leurs billets d’entrée auraient dû revenir à d’authentiques fans de Led Zeppelin.
JP : Oui, je pense que vous avez probablement raison. Mais replongés dans le contexte, c’était rafraichissant de jouer cette chanson. C’est plutôt audacieux de l’interpréter. Il faut se souvenir de beaucoup de choses, tellement de changements, de variations inattendues.
CR : A-t-il été également difficile de rester dans le groove sur ce morceau, parce que vous la jouez si lentement ?
JP : De lui imprimer la tension - oui. Il s’agit d’un groove assez intense sur ce morceau.
CR : Vous avez dit que vous étiez assez nerveux avant le concert de l’O2.
JP : Je suis toujours tendu. Mais [je ne le fus] probablement jamais davantage que ce jour-ci. Vous n’aviez droit qu’à un essai, pour l’amour du ciel ! Mais nous avions investi beaucoup [de temps] dans les répétitions, donc je savais que ça fonctionnerait. Et vraiment, ce fut un super concert, ce qui explique pourquoi il m’apparaissait si important que tout se passe bien avec le DVD qui en fut tiré (
Celebration Day). Il sonnait tellement, tellement bien. Pour les personnes qui en fait n’avaient pas réussi à assister au concert, ce qu’ils eurent sous la forme d’un DVD n’allait pas les décevoir. Ils n’ont pu avoir accès au spectacle, mais bonté divine, ce DVD est bon !
CR : Et meilleur que les DVD bootlegs qui ont été mis en vente dans les jours qui ont suivi le concert.
JP : Vous savez il y avait un type du Japon qui a filmé le show. Il a immédiatement sauté dans l’avion pour le Japon et ce fut une question d’heures avant que le DVD ne soit publié, encore moins que de jours, de semaines. C’est la même chose quand vous jouez au Japon. Je sais pertinemment qu’en tournant là-bas, vous êtes instantanément bootleggé. Donc si vous attaquez une tournée, vous êtes en période de chauffe, vous ne voulez vraiment pas vous rendre sur place pour donner un concert peu sûr. Il vous faut y aller tout feu tout flamme.
CR : Sûrement que le plus gros problème rencontré, ce ne sont pas les bootleggers mais les fans qui filment les concerts sur leurs téléphones ?
JP : Oh oui, tout le monde est comme ça maintenant. Sur la première tournée Led Zeppelin, nous avions joué du matériel qui allait apparaître sur le deuxième album. Mais maintenant les groupes doivent faire très attention quand il s’agit de jouer de nouvelles compositions devant un public. Vous êtes contrecarrés par Youtube.
CR : Kate Bush a trouvé une solution. Pour ses concerts à l’Hammersmith Apollo en 2014, elle a demandé à ses fans qu’ils ne filment pas les représentations, et ça a marché.
JP : Avez-vous vu ce concert ? Moi oui. Et je peux vous dire : si quelqu’un avait brandi une caméra il se serait fait lyncher. Il y avait un tel sentiment à l’égard de cette question. Les gens ont fait preuve de tant de respect pour Kate.
CR : Vous avez pris votre revanche sur les bootleggers avec les rééditions Led Zeppelin - chacun des neuf albums studio complété de morceaux inédits. Qu’est-ce qui constitue pour vous le meilleur à tirer de tout ce matériel d’archive ?
JP : J’aime la session à Bombay de 1972 (qui figure sur la nouvelle version de Coda). C’était juste Robert (Plant) et moi se rendant là-bas. J’étais tellement fana de faire quelque chose avec des musiciens indiens. Ils représentaient l’équivalent de ce que tu appellerais maintenant des musiciens Bollywood, à part le fait qu’à cette époque-là, c’était vraiment étriqué. Ils étaient des interprètes classiques, et ils n ‘avaient jamais entendu la musique de Led Zeppelin auparavant. L’idée globale qui présidait à l’expérience consistait à voir à quoi cela ressemblerait pour ces musiciens traditionnels de [devoir] traduire [ndt : leur musique] à partir de la guitare.
CR : La première chanson que vous avez joué avec eux fut « Friends » tirée de
Led Zeppelin III. Pourquoi cette chanson ?
JP : Au moment où j’ai écrit « Friends », je l’avais pensée sous la forme de ce genre de style indien, avec les rythmes complexes issus des tablas.
CR : Tu peux entendre cela à travers la chanson originale ?
JP : Absolument. J’ai pensé que nous pourrions interpréter cette chanson. Ils l’ont jouée adossés uniquement à leur technique. C’était si passionnant. Et je ne voulais pas laisser échapper l’instant, parce que nous n'étions seulement présent que pour une soirée, alors j’ai pensé : " bien, passons à autre chose ". Nous avions ces percussions en nombre : un joueur de tabla et un autre qui jouait d’un long tambour à deux extrémités. Alors j’ai lancé « Four Sticks » (de
Led Zeppelin IV) et ces percussionnistes étaient si experts techniquement qu’ils se sont baladés.
CR : Tout ce matériel additionnel sur les rééditions a été tiré de vos archives personnelles. Y a-t-il des trésors supplémentaires que vous ayez dissimulées ?
JP : Oui. J’ai également du matériel antérieur à Led Zeppelin - des morceaux que j’ai composé il y a très longtemps quand j’étais adolescent, écrivant, essayant des enregistrements expérimentaux à la maison, d’une manière réellement assez naïve. Puis ensuite l’époque où je fus musicien de studio, j’ai du matériel issu de cette période. Et je possède beaucoup de matériel de la période avec les Yardbirds.
CR : Tout ou partie de ce matériel sortira-t-il un jour ?
JP : Bien, j’ai commencé à passer en revue tout ceci, revenant dessus avec l’idée d’assembler tout ce matériel en ordre chronologique, de dresser un inventaire correct de ce qui était, à partir de Led Zeppelin et au-delà. Mais une fois que j’ai touché au matériel Led Zeppelin, je me suis simplement concentré là-dessus.
CR : Donc pour répondre à ma question ?
JP : Pour l’instant, il n’y a pas de réponse.
CR : Quel est selon toi le meilleur disque que tu aies réalisé en dehors de Led Zeppelin ?
JP : Je ne sais pas. Qu’entends-tu par meilleur ?
CR : Peut-être celui qui t’as donné le plus de plaisir.
JP : J’ai eu un album solo en 1988.
Outrider. Ce n’était pas du tout mauvais. Je peux encore m’y rapporter.
CR : Qu’en est-il des disques que tu as fait dans la période juste avant
Outrider ? Au milieu des années 1980, tu as enregistré deux albums avec Paul Rodgers au sein de votre groupe The Firm, mais celui-ci semble être tombé aux oubliettes de l’histoire.
JP : J’ai apprécié ce que j’ai fait avec ces albums. Paul est tellement un super chanteur. Mais je pense malheureusement que le deuxième album de The Firm (
Mean Business) fut une de ces choses enregistrées dans les années 1980 qui pâtit un peu des sons de cette époque. Le groupe était très bon, mais vous ne retirez pas de cet album une impression de réelle consistance.
CR : Et après cela ?
JP : J’ai apprécié de travailler avec David Coverdale (pour un album,
Coverdale Page, publié en 1993). Ce que j’ai vraiment aimé faire, c’est jouer avec les Black Crowes. Ce fut phénoménal. Il y eut seulement un inconvénient. La prestation que nous avions était un mélange de chansons des Black Crowes et de morceaux de Led Zeppelin. Donc c’était bien que je joue sur leur musique. Mais quand on en arriva à assembler un album, leur maison de disques ne les laissa pas réenregistrer [ndt : leurs titres]. Voilà pourquoi cet album (
Live At The Greek: Excess All Areas, sorti en 2000) fut principalement constitué de matériel Zeppelin, avec certains vieux morceaux de blues. C’était réellement un peu fâcheux, mais toutefois, ce que nous avons joué de Zeppelin ensemble fut sacrément excellent. Juste génial. C’était énorme.
CR : Aujourd’hui ton amour de la musique est-il toujours aussi fort que lorsque tu étais enfant ?
JP : Je suis sans aucun doute très passionné. Et c’est drôle, vraiment. Je suis assez conscient du fait d’être ce gamin présent pour ce truc à la télé fichûment gênant au moment où il faisait partie d’un groupe de skiffle à l’âge de 12 ans. Mais cette passion de mon enfance m’a emportée avec elle à travers le monde des musiciens de studio - et vous savez, ce fut une super école. J’ai appris à lire la musique, et vers la fin, je réalisais des arrangements et je produisais. Pour un musicien sans formation, autodidacte, c’était super.
CR : As-tu toujours cru en étant jeune homme à ton succès ?
JP : Oh mon Dieu. Non si j’avais pensé en terme d’adulte plutôt qu’en terme d’adolescent.
CR : Ce qui signifie ?
JP : En tant qu’adulte, vous auriez pensé : " si tu te rates, on ne te reverra plus ". Tu sais, cette pression qui vient du fait de ne pas vouloir échouer. Mais je suis rentré là-dedans simplement et je m’en suis bien tiré. Rétrospectivement, je pense que ça vraiment été quelque chose.
CR : Et quand tu penses à ce que tu as continué à accomplir avec Led Zeppelin, de quoi es-tu le plus fier ?
JP : Le fait que notre musique ait touchée tant de gens. Nous ne pouvions répondre à la demande des personnes qui voulaient nous voir. Même après que l'on ne se soit pas produit en Angleterre pendant plusieurs années [ndt : 4 ans], au moment où on a joué à Knebworth (1979), on a battu des records d’affluence.
CR : Qu’est-ce qu’il y avait dans la musique de Zeppelin qui a permis d’opérer ce déclic auprès d’un public aussi énorme ?
JP : Ce n’est pas dû à un seul facteur - ils sont multiples. Nous avons touché à tellement de domaines musicaux différents. Voilà pourquoi Led Zeppelin est une chose si vaste, à vue d’ensemble, universelle. Au fil des années, vous entendez ces artistes qui ont été inspirés par notre œuvre, et ils ont réalisé quelque chose dans la même veine, mais les gens peuvent détecter ce que nous avons été les premiers à faire. Led Zeppelin est le précurseur, le catalyseur de beaucoup d’idées et de tendances. Et le fait que cette musique ait été si vivante à travers toutes ces années - de jeunes enfants y viennent, ils apprennent à partir d’elle - c’est absolument génial.
CR : Le groupe n’est plus, mais la musique demeure...
JP : C’est ça, exactement. Les gens n’arrêtent pas de me dire combien notre musique a été importante dans leur vie. Et ça, vraiment, c’est tout le propre de Led Zeppelin et sa contribution.
Paul Elliott